La redoutable cavalerie crânoise prenait le chemin du nord dans l'espoir de tomber une fois de plus sur des détachements d'hommes des collines, ceux-ci étant encore en nombre dans les terres du sud d'Ardiel. Les arendiens repassèrent en vitesse sur le lieu du massacre de la veille, là où les bûchers allumés pour faire disparaître leurs ennemis fumaient encore. Alors qu'ils remontaient une nouvelle fois en deux jours la pente qui correspondait au point le plus au nord qu'ils avaient franchit jusqu'ici, la dizaine d'éclaireurs tortois rencontrés la veille se faisait encore voir au même endroit. Leur meneur, Aïus le chevaucheur en chef, fit signe du bras à Mône qui remarqua alors la venue d'un nouvel éclaireur tortois en direction du nord. Cet éclaireur arrivait au même moment que les crânois et apportait sans nul doute des informations à Aïus sur se qui se tramait plus au nord. Une aubaine pour le capitaine crânois, si seulement celui-ci pouvait assister à son rapport. En repensant à l'acceuil que lui avait réservé le chevaucheur en chef la soirée précédente Mône avait de quoi rester positif car les tortois semblaient les considérer comme des alliés, ignorant le refus de Malek Ostalvo de suivre leur grand chef, de même que la colère sourde de ce dernier. Alors que Mône et ses hommes arrivaient à portée de voix, le chef tortois l'acceuillit en ces mots :
Vous arrivez justement alors qu'on m'apporte des nouvelles, dit-il en se tournant vers le nouvel éclaireur.
L'armée crânoise stoppa à quelques dizaines de mètres des tortois, seul Mône et une dizaine de ses cavaliers à l'allure rude allèrent rejoindre Aïus, ses hommes et le nouveau venu. L’éclaireur tortois fraichement arrivé salua de la main ses compatriotes avant de porter son attention sur les crânois. Leur nombre le rendait suspicieux mais il s’adressa quant même à Aïus en ces termes :
Une grande concentration d’hommes des collines a prit pied sur une colline boisé à environ une quinzaine de kilomètres plus au nord. Ils sont entre 400 et 700 je pense, accompagnés par environ 200 cavaliers valiniens dont la majorité arrivent du nord. Ils sont parés au combat car un détachement important d’ardielois campe dans la région. Ceux-ci sont en constant mouvement et quand nous avons essayés d’établirent le contact avec eux ils ont réagit de manière plutôt hostile. Peut-être que ces crânois pourront plus aisément les dompter puisqu’ils sont de la même race ? Ils ne sont de toute façon qu’une centaine à posséder des chevaux, les autres parcourent les bois pour plus de sûreté et ne pourront pas nous être d’une grande utilité pour un combat éclair.
Cessant alors de parler, l’éclaireur tortois regarda autours de lui les troupes présentes et en arriva vite à cette question : Où se trouve Benarus et sa garde d’élite ?
Aïus haussa les épaules et les sourcils. Pas encore arrivé à ce qu’il semble. Ces cavaliers crânois ne sont qu’une avant-garde sensée venir préparer le terrain. Et toi, tu as des nouvelles de se qui se passe avec les autres groupes d’éclaireurs ?
J’ai parlé avec Cloric ce matin, il est affecté au groupe qui surveille les valiniens plus au nord. C’est lui qui nous a avertie concernant les ennemis retranchés sur la colline. Sinon j’ai envoyé deux de mes hommes vers le sud-ouest pour prendre contact avec les éclaireurs qui attendent nos forces qui viennent de Tortoise. Je n’ai pas encore reçu de nouvelle de ce côté-là mais je ne m’attends pas à voir ces troupes avant plusieurs jours de toute façon. Pour l’instant les valiniens ne pointent aucune troupe autre que leurs cavaliers au sud d’Ardiel et je ne saurais même pas dire si le village est tombé, ça Cloric devrait revenir nous le confirmer dans les prochains jours.
Le système de renseignement tortois était incroyablement efficace et il est à parier qu’ils étaient les belligérants les mieux informés de se qui se passait sur le théâtre des opérations, bien que celui-ci se déroula sur une étendue extrêmement importante. Il y avait en effet au moins 50 à 65 kilomètres qui séparaient les troupes de Benarus au sud des forces de Lockar au nord, avec entre celles-ci de nombreux détachements crânois, ardielois, tortois, valiniens ainsi que bon nombre d’hommes des collines. En somme, tout un tableau sur lequel se détache quelques batailles frontales mais aussi et surtout un nombre important de petits accrochages directs bien vite consommés.
Les seuls avantages que les crânois avaient pour l'instant résidaient dans la désorganisation de leurs ennemis, la vitesse de leur cavalerie et l'utilisation des informations provenant des éclaireurs tortois. Ceux-ci s'attendaient encore à voir émerger du sud une armée nombreuse de quelques milliers d'hommes avec à leur tête le seigneur Ostalvo et le seigneur Benarus. Une vague guerrière dont les quelques trois cents cavaliers crânois qu'ils avaient devant eux n'étaient qu'une avant-garde. Si seulement ils savaient...